L’employeur peut-il utiliser comme moyens de preuve, dans le cadre d’un contentieux qui l’oppose à un salarié devant le Conseil de Prud’hommes, l’agenda électronique personnel du salarié concerné ? Décision de la Cour de cassation du 9 novembre 2022 n°20-18922.
Il convient de rappeler le contexte jurisprudentiel dans lequel s’inscrit cette nouvelle décision rendue par la Cour de cassation en matière de moyens de preuve dans le cadre d’un contentieux prud’homal.
Sont présumés avoir un caractère professionnel, les fichiers créés par le salarié à l'aide de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail, de telle sorte que ce dernier peut hors la présence du salarié les consulter, à moins que ces fichiers soient identifiés par le salarié concerné comme personnels.
En effet, la Cour de cassation considère que lorsque les fichiers ont été identifiés par le salarié comme étant personnels, l'employeur ne peut les consulter en dehors de la présence du salarié (Cass. soc., 18 oct. 2006, n° 04-48.025).
Ainsi, il ne peut être reproché à l’employeur d’avoir recours à un procédé déloyal rendant irrecevable le moyen de preuve utilisé, lorsqu’il produit en justice pour assurer sa défense, des fichiers n’ayant pas été identifiés par le salarié concerné, comme étant personnels.
La Cour de cassation s’est déjà prononcée en ce sens en ce qui concerne « les documents enregistrés sur l’ordinateur professionnel du salarié, non identifiés comme personnels, mêmes s’ils proviennent initialement de la messagerie personnelle du salarié » (Cass. soc., 19 juin 2013, n° 12-12.138), ainsi que « les courriels contenus dans la messagerie professionnelle du salarié disponible sur l'outil informatique, lorsqu'ils ne sont pas identifiés comme étant personnels » (Cass. soc., 18 oct. 2011, n° 10-26.782).
Dans l’arrêt du 9 novembre 2022, la Haute juridiction a eu à se prononcer sur la recevabilité des éléments de preuve provenant de l'agenda électronique de la salariée disponible sur son ordinateur professionnel.
En l’espèce, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur, et sollicite la requalification de cette prise d’acte en licenciement nul, compte tenu notamment des faits de harcèlement moral et de discrimination liée à sa grossesse dont elle aurait été victime.
Au soutien de sa défense, l’employeur a produit aux débats des fichiers issus de l’agenda électronique personnel de la salariée, agenda qui était disponible sur l’ordinateur professionnel de cette dernière, mis à sa disposition par l’entreprise.
L’employeur communiquait également une attestation de son prestataire informatique afin de justifier des conditions dans lesquelles il avait récupéré ces éléments de preuve.
La salariée a demandé que ces éléments de preuve produits par l’employeur soient rejetés des débats au motif qu’il s’agissait d’un procédé déloyal.
Les juges du fond ont fait droit à la demande de la salariée en retenant que les pièces litigieuses provenaient de l’agenda personnel de cette dernière et que l’employeur ne justifiait pas des conditions régulières de leur obtention.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel considérant que les juges du fond auraient dû rechercher si les pièces provenant de l’agenda électronique de la salariée, disponible sur son ordinateur professionnel, avaient été identifiées comme étant personnelles par cette dernière. En n’y procédant pas, la Cour de cassation retient que ces éléments de preuve ne pouvaient être valablement écartés des débats par la Cour d’appel.
Ainsi, les éléments de preuve provenant de l’agenda électronique personnel du salarié, disponible sur son ordinateur professionnel, ne sont pas irrecevables, dans la mesure où ils ne sont pas identifiés comme étant personnels par le salarié concerné.
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