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Le harcèlement sexuel sous le prisme du droit social et du droit pénal



1°Sous le prisme du droit social


Les mouvements sociaux tels que #MeToo et #BalanceTonPorc visant à dénoncer les violences sexuelles ont donné naissance à de nouveaux mouvements liés au milieu professionnel, tels que #BalanceTaStartup et #BalanceTonAgency.


Ces mouvements sociaux permettent ainsi de libérer la parole des victimes de violences au travail et notamment de faits de harcèlement sexuel en entreprise.


Le Code du travail impose aux employeurs de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (art L.4121.1 du Code du travail).

Conformément à son obligation de sécurité, l’employeur se doit de veiller aux comportements de ses salariés au sein de l’entreprise, dans le but de prévenir notamment les situations de harcèlement sexuel.


L’entreprise est un lieu de travail mais également un lieu de rencontres, d’échanges où les salariés apprennent à se connaître et ne sont pas à l’abri de développer des sentiments amoureux envers un collègue de travail voire un supérieur hiérarchique.


L’expression de ses sentiments amoureux en entreprise est-elle constitutive d’une situation de harcèlement sexuel ?


Le harcèlement sexuel est interdit par le code du travail (L. 1153-1 du Code du travail) et par le code pénal (article 222-33 du Code pénal).


Selon l'article L. 1153-1 du code du travail, le harcèlement sexuel est « constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés qui soit portent atteinte à la dignité du salarié en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».


La loi du 2 août 2021 n°2021-1018 entrée en vigueur le 31 mars 2022 a harmonisé la définition du harcèlement sexuel contenue dans le code du travail avec celle prévue par le code pénal en retenant que les propos ou comportements à connotation sexiste peuvent également caractériser des faits de harcèlement sexuel.


Les autres formes de manifestations du harcèlement sexuel prévues par le code pénal sont également intégrées au code du travail :


- « lorsqu'un même salarié subit de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l'instigation de l'une d'elles, alors même que chacune de ces personnes n'a pas agi de façon répétée » ;

- « lorsqu'un même salarié subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition ».


L'article L 1153-1 du Code du travail distingue les faits constitutifs d'un harcèlement précités, de ceux assimilés à du harcèlement, à savoir :


« Toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuel, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers, est également constitutif de harcèlement sexuel ».


Il résulte de cette définition que le harcèlement sexuel se caractérise par l'objectif poursuivi par son auteur mais également par les conséquences du comportement sur la victime.


Ainsi, le non-consentement de la victime est un des éléments constitutifs du harcèlement sexuel.

Il est de jurisprudence constante que le harcèlement sexuel suppose des actes imposés par leur auteur et non désirés par le salarié :


- « L’attitude ambiguë d'une salariée qui a volontairement participé à un jeu de séduction réciproque avec un collègue exclut que les faits reprochés à celui-ci puissent être qualifiés de harcèlement sexuel » (Cass. soc. 25-9-2019 n° 17-31.171 F-D : RJS 12/19 n° 678)


- « Le fait pour un supérieur hiérarchique de courtiser une subordonnée à la manière d'un gentleman, cessant son empressement dès lors que celle-ci lui a mis des limites, lesquelles paraissent avoir été laissées, à l'origine, dans un certain flou, au moins sous l'effet d'une camaraderie excessive et de propos très libres de la part de la salariée » n’est pas constitutif d’une situation de harcèlement sexuel (CA Dijon 17-12-2009 n° 09-283, ch. soc., SARL C. c/ B.)


- « Le dépôt par le PDG de l'entreprise sur le bureau d'une salariée de poèmes et d'une lettre manifestant ses sentiments amoureux, ces poèmes et cette lettre, restés confidentiels entre les intéressés, ne traduisant que l'émoi sentimental de leur auteur sans contenir de terme indécent ou obscène » n’est pas constitutif d’une situation de harcèlement sexuel (CA Versailles 30-6-1993 n° 92-3881, 11e ch. soc., X. c/ R. : RJS 8-9/93 n° 842).


En revanche, est constitutif d’une situation de harcèlement sexuel, « le fait pour un salarié, comptable ayant plus de 20 ans ancienneté, de faire parvenir à une jeune collègue de longs manuscrits, de nombreux courriels par lesquels il lui faisait des propositions et des déclarations, de lui exprimer le souhait de la rencontrer seule dans son bureau, de lui adresser des invitations qu'elle a toujours refusées et de lui faire parvenir des bouquets de fleurs, l'intéressé ayant reconnu sa propre insistance et sa lourdeur, alors que leur différence d'âge, d'ancienneté et de situation professionnelle aurait dû l'inciter à plus de réserve et de respect vis-à-vis de cette salariée nouvellement embauchée » (Cass. soc. 28-1-2014 n° 12-20.497 (n° 160 F-D), F. c/ Cabinet C.).


Il résulte de la jurisprudence constante précitée que l’expression de sentiments amoureux en entreprise ne suffit pas à caractériser une situation de harcèlement sexuel.


Le harcèlement sexuel nécessite qu’il soit démontré, conformément à l’article L.1153-1 du Code du travail, que les faits ont été subis par la victime, ce qui suppose l’absence de consentement de cette dernière.


Ainsi, lorsqu’il est instauré un jeu de séduction réciproque, le harcèlement sexuel ne peut être caractérisé.


Emilie VIELZEUF

Avocat Associé

Pôle Droit social



2° La genèse du harcèlement sexuel en droit pénal

En droit pénal, le harcèlement sexuel fut tardivement envisagé en tant qu’infraction, il n’apparaît qu’à l’occasion de l’entrée en vigueur du Code pénal de 1994. Si le harcèlement sexuel fut d’abord envisagé comme une forme de discrimination au travail, il constitue aujourd’hui pleinement une infraction sexuelle, il trouve d’ailleurs sa place au sein du Code pénal dans un chapitre intitulé « Du viol, de l’inceste et des autres agressions sexuelles ».


A l’origine, le harcèlement sexuel se caractérisait par le fait de harceler en usant d’ordres, de menaces ou de contraintes pour obtenir des faveurs de nature sexuelle. Puis la notion de « pressions graves » a été ajoutée aux comportements caractérisant le harcèlement. De plus, il ressortait du texte que le harcèlement sexuel ne pouvait être commis que par une personne abusant de l’autorité que lui confère ses fonctions, ce qui restreignait le champ de l’infraction au monde du travail.


Par une loi du 17 janvier 2002, l’infraction a été redéfinie comme « Le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle », l’objectif était de permettre la répression dans tout rapport humain. En revanche, si l’on comprenait donc que le harcèlement était le fait de harceler, ce qui allait de soi, plus aucune définition du comportement n’était donnée par le législateur.


C’est la raison pour laquelle le Conseil constitutionnel a abrogé l’article 222-33 du Code pénal dans sa version antérieure, en date du 4 mai 2012, considérant que les éléments constitutifs de l’infraction ne sont pas suffisamment définis et méconnaissant ainsi le principe de légalité des délits et des peines.


Le comportement à l’origine du harcèlement, et ses conséquences


Depuis la loi du 3 août 2018, le harcèlement sexuel fait l’objet d’une définition claire et précise.


Désormais, le harcèlement est défini comme : « [...] le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. »


Le terme de faveurs sexuelles a laissé sa place à la notion de « connotation sexuelle ou sexiste », la connotation sexuelle semble évoquer davantage que la simple drague lourde et maladroite. Il s’agit de propos ou agissements relatifs aux pratiques sexuelles qui serait imposés de façon répétée à la victime, tandis que la connotation sexiste évoquerait davantage l’idée d’une inégalité de sexe, une forme de discrimination (Crim. 11 juill. 2017, n° 16-85.214).


Dans ce cas, le harcèlement sexuel n’est caractérisé que si les connotations portent atteinte à la dignité de la victime, ou qu’elles créent une situation intimidante, hostile ou offensante. Ainsi, le harcèlement sexuel se caractérise par un comportement, mais également par les répercussions de ce comportement. Sans ces répercutions, le harcèlement ne pourra pas être réprimé.


De plus, c’est chacun des propos ou comportements à connotation sexuelle qui doit porter atteinte à la dignité ou créer une situation prévue par le texte. Cela signifie que des propos tenus dans une ambiance sexuellement oppressante ne constituent pas nécessairement l’infraction, il appartient au juge d’analyser isolément chaque propos ou comportement (Cass. Crim. 16 novembre 2016 n°16-82.377).


Enfin, le texte impose une répétition du comportement pour que le harcèlement soit caractérisé, à défaut de quoi la relaxe s’imposera. Récemment, le cabinet SJ2A (Sophie Jonquet Avocats Associés) a obtenu la relaxe dans une affaire de harcèlement sexuel. Dans les faits de l’espèce il s’agissait d’un homme qui avait transmis un projet de roman d’une centaine de pages à une personne, au sein duquel il décrivait ses expériences sexuelles. Outre l’absence d’atteinte à la dignité du destinataire, la relaxe a été obtenue car l’envoi d’un projet de roman d’une centaine de page constitue un seul et unique propos à connotation sexuelle, il s’ensuit que la répétition qu’exige le texte n’était pas caractérisée.


Ce dossier illustre également à quel point le harcèlement sexuel est une infraction désormais courante en dehors du monde du travail, comportement que l’on peut retrouver dans différents cas de la vie quotidienne, et désormais sur l’Internet.


De ce développement de l’infraction sur l’Internet et les réseaux sociaux découle la question de savoir si la répétition doit émaner du même auteur. Cette problématique se retrouve particulièrement concernant le harcèlement en ligne où bien souvent les auteurs ne tiennent qu’un propos à connotation sexuelle, mais l’effet de groupe produit une répétition pour la victime : on parle de raids numériques.


C’est ainsi que l’article 222-33 du code pénal dispose que l’infraction est également constituée :


« 1° Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l'instigation de l'une d'elles, alors même que chacune de ces personnes n'a pas agi de façon répétée »


« 2° Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition. »


Si le harcèlement sexuel ne saurait être caractérisé à défaut de répétition, une contravention peut néanmoins être retenue : l’outrage sexiste, prévue à l’article 621-1 du Code pénal. Il s’agit de réprimer un propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste mais qui ne serait pas imposé de façon répétée. Cette contravention vise à lutter contre le harcèlement de rue, qu’on pourrait illustrer par le sifflement, les commentaires dégradants sur l’attitude vestimentaire, etc.


Le harcèlement sexuel assimilé


Il existe un second cas de harcèlement sexuel, qui ne suppose pas une répétition pour que le délit soit caractérisé, il s’agit « d'user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers. »


Dans ce second cas, l’objectif recherché par l’auteur est primordial pour caractériser le harcèlement, il s’agit-là d’un dol spécial : l’auteur doit avoir conscience de la connotation sexuelle des propos ou comportements, mais en plus rechercher un acte de nature sexuelle.


Les peines encourues par la personne coupable de harcèlement sexuel


Qu’il s’agisse du harcèlement sexuel ou du harcèlement sexuel assimilé, la peine encourue est de 2 ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende.


En revanche, il existe un nombre conséquent de circonstances aggravantes portant la peine à 3 ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende, parmi lesquelles :


- Lorsque l’auteur abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions

- Harcèlement sur un mineur de quinze ans

- Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur

- Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de leur auteur ;

- Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;

- Par l'utilisation d'un service de communication au public en ligne ou par le biais d'un support numérique ou électronique

- Alors qu'un mineur était présent et y a assisté ;

- Commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait.


Au gré des lois, le droit pénal en matière de harcèlement a permis une clarification de l’infraction, le comportement condamnable est désormais clair et précis tout en permettant une large possibilité répression, et ce bien au-delà du monde du travail tel que c’était le cas à l’origine. Aussi, la loi est venue palier des failles pour mieux appréhender le harcèlement en ligne, et permettre une répression au harcèlement de rue répondant ainsi au mouvement #MeToo. Dans ces conditions, il est désormais conseillé une très grande prudence dans le cadre des rapports sociaux.


Sophie JONQUET

Avocat Associé

Pôle Droit pénal


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